Passer au contenu principal

Déclaration de l’Université d’été des jeunes de l’ITF

05 Aug 2022

Déclaration de l’Université d’été des jeunes de l’ITF

Nous sommes de jeunes travailleuses et travailleurs des transports et des plateformes de 6 pays, réunis pour l’édition 2022 de l’Université d’été de l’ITF à Sheffield, ville où s’est tenue la plus longue grève de l’histoire des travailleuses et travailleurs des plateformes. Nous tenons à exprimer notre solidarité avec nos camarades des pays de l’Hémisphère Sud qui ne peuvent être avec nous aujourd’hui à cause du racisme et de la discrimination inhérents au système britannique de migration et de visa. Lors de nos discussions de ces quatre derniers jours, nous avons identifié et adopté les priorités suivantes, et exhortons nos syndicats et l’ITF à œuvrer avec nous au renforcement du pouvoir des travailleuses et travailleurs des plateformes.

En tant que jeunes travailleuses et travailleurs des transports, nous nous engageons à :

  • organiser et faire campagne dans l’économie des plateformes ;
  • participer activement aux réseaux régionaux et mondiaux de travailleuses et travailleurs des plateformes ;
  • plaider en faveur d’un travail décent pour l’ensemble des travailleuses et travailleurs des plateformes ;
  • utiliser les recherches et politiques de l’ITF et de l’ETF sur l’économie des plateformes.

 

Les syndicats de l’ITF devraient œuvrer à l’organisation des travailleuses et travailleurs des plateformes, étant donné que beaucoup de nos syndicats trouvent leur origine dans la lutte contre l’informalité et la précarité.

Nous savons que les travailleuses et travailleurs des plateformes possèdent leurs propres organisations et réseaux. Pour travailler efficacement avec ces travailleuses et travailleurs, nous devons leur parler et construire des alliances, pour pouvoir les défendre efficacement et, au final, éventuellement les recruter dans nos rangs.

Les affiliés de l’ITF devraient s’appuyer sur l’expérience des syndicats ayant réussi à organiser des travailleuses et travailleurs des plateformes, et de ceux ayant obtenu une réglementation progressiste du secteur.

Il est manifeste que le secteur des plateformes varie beaucoup selon les régions du monde. Pour représenter correctement ces travailleuses et travailleurs, l’ITF devrait collaborer avec ces organisations au niveau institutionnel, en rassemblant les travailleuses et travailleurs des plateformes du monde entier pour créer des réseaux régionaux et mondiaux.

L’ITF devrait soutenir le développement de réseaux régionaux et mondiaux en fournissant des compétences en matière d’organisation et de campagnes, en partageant les bonnes pratiques, en promouvant le travail des syndicats locaux et nationaux représentant les travailleuses et travailleurs des plateformes, en coordonnant la solidarité pour mener des campagnes locales et nationales apportant une visibilité internationale, et en appuyant le renforcement des capacités des syndicats ou des groupes de travailleuses et travailleurs des plateformes nouvellement établis.

L’ITF devrait continuer à collaborer avec l’ETF pour faire en sorte que la directive européenne sur les plateformes contienne une présomption d’emploi, et pour obtenir des mécanismes d’application plus vigoureux aux niveaux national et régional. Nous estimons que des réglementations et instruments similaires, ou des taux de rémunération garants de la sécurité, sont la solution aux problèmes que rencontre le secteur dans d’autres régions, à la condition de les accompagner de mécanismes d’application appropriés.

 

POSITION SUR L’ÉCONOMIE DES PLATEFORMES

La position suivante s’appuie sur les principes de l’ITF relatifs au travail décent et aux nouvelles technologies :

  • Le principe de co-conception centrée sur les travailleuses et travailleurs
  • Le principe du tripartisme et la négociation collective
  • Le principe d’atténuation, d’indemnisation et de rétention
  • Le principe de contrôle humain et par l’humain
  • Le principe de concurrence loyale
  • Le principe de durabilité environnementale

 

Ensemble, ces principes assurent :

  • un travail sûr, à la rémunération correcte ;
  • une non-discrimination au travail ;
  • une protection sociale, une formation et un bien-être général pour toutes et tous.

 

L’économie des plateformes (également connue sous le nom d’économie des petits boulots ou des applications) se caractérise par de nombreux et sérieux problèmes interdépendants, comme le soulignent les revendications des Syndicats mondiaux à ce sujet. Les causes de ces problèmes sont les suivantes :

  • l’évitement, par les plateformes, de leurs responsabilités en matière d’emploi ; et
  • la façon dont l’algorithme est utilisé pour superviser, contrôler et intensifier les cadences.

Les affiliés de l’ITF devraient s’appuyer sur l’expérience des syndicats ayant réussi à organiser des travailleuses et travailleurs des plateformes, et de ceux ayant obtenu une réglementation progressiste du secteur. S’il est évident que le covoiturage et la location de véhicule avec chauffeur sont à classer dans les activités de transport, la livraison de repas et de colis en fait également partie, mais si elle relève également de la restauration et de la vente au détail. Souvent, ces trois services sont d’ailleurs proposés via une seule et même plateforme. Ce qui, logiquement, fait de l’ITF le syndicat « de référence » pour ces travailleuses et travailleurs.

En tant que jeunes travailleuses et travailleurs des transports, dont beaucoup sont inscrits sur des plateformes, nous pensons que les mesures suivantes sont nécessaires pour permettre à nos collègues de l’économie des plateformes de jouir pleinement de leurs droits à un travail sûr et décent :

 

1 – Présomption d’emploi

Les gouvernements devraient légiférer sur la présomption d’emploi, et les plateformes doivent attribuer à leurs effectifs le statut d’employés jusqu’à preuve du contraire.

Cette revendication essentielle permettra à l’ensemble des travailleuses et travailleurs de jouir des droits inscrits dans les Principes et droits fondamentaux au travail de l’OIT, dont ceux à la négociation collective, à la santé et à la sécurité au travail, et à la protection sociale.

 

2 – Transparence algorithmique – Accès des syndicats aux données et critères des algorithmes

Les syndicats ne réussiront pas à négocier dans le secteur des plateformes s’ils n’ont pas connaissance des données et critères utilisés pour superviser et contrôler les travailleuses et travailleurs. Ces derniers méritent de savoir et de comprendre comment leur travail est jugé et géré.

 

3 – Évaluation des risques et des impacts en matière de SST, de droits du travail et de discrimination, débouchant sur une certification des applications

Les applications doivent être testées selon des critères de travail décent, notamment la présence de mécanismes de réclamation et de recours, et être certifiées conformes à ces critères, pour éviter un « nivellement vers le bas ».

 

4 – Une inspection du travail ayant les moyens de faire appliquer des conditions de travail décentes

L’inspection du travail devrait avoir les moyens de réaliser des évaluations des risques et de l’impact sur la main-d’œuvre, et être habilitée à infliger des amendes et à bloquer les plateformes contrevenantes.

 

5 – Les plateformes devraient être classées par secteur, payer l’impôt sur les sociétés et respecter le droit du travail local et la loi en général.

 

6 – Les plateformes ne devraient pas attendre de se trouver au pied du mur. Elles doivent s’engager à :

  • verser des salaires décents ;
  • garantir des congés de maladie et d’autres protections sociales ;
  • prévoir un point de contact humain et des mécanismes de réclamation et de recours ;
  • dispenser des formations et fournir des équipements de sécurité, en veillant à ce qu’ils soient adaptés aux femmes ;
  • négocier avec les syndicats et les associations de travailleuses et travailleurs, et prévoir des dispositifs de dialogue social.