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Crise de la relève des équipages : un cargo japonais transportant des voitures immobilisé à Melbourne

Actualités Communiqué de presse 27 Oct 2020

Des représentants de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) ont contribué à éviter qu’un cargo japonais transporteur de véhicules ne file entre les doigts des autorités australiennes dans le port de Melbourne. Celui-ci avait acheminé des véhicules vers l’Australie plus tôt dans la semaine, notamment pour les marques Great Wall, Hyundai, Kia et Subaru.

Plusieurs marins du MV Metis Leader, battant pavillon panaméen, travaillaient à bord depuis plus de 11 mois, la limite autorisée par la Convention du travail maritime et la réglementation applicable aux pavillons du Panama, et plus de 14 mois, la limite autorisée par les autorités australiennes.

Le Coordinateur adjoint de l’ITF pour l’Australie, Matt Purcell, a expliqué que la fédération internationale et ses affiliés avaient détecté que les marins du cargo avaient dépassé les limites acceptables en matière de temps de travail à bord. Il a indiqué qu’au moment de l’immobilisation du navire :

  • Cinq marins travaillaient à bord depuis près de 12 mois ;
  • Deux marins se trouvaient à bord depuis 14 mois ;
  • Trois marins y travaillaient depuis plus de 15 mois, dont le capitaine.

« Garder des marins à bord d’un navire pendant aussi longtemps est une violation de leurs droits risquant de surcroît de conduire à une catastrophe humaine et environnementale », a déploré Purcell.

« Tous les marins ont le droit de cesser le travail au terme du contrat qu’ils ont signé initialement. Refuser à un marin la possibilité de descendre à terre et de retrouver sa famille, c’est le forcer à continuer à travailler. Ce qui s’est passé ici pourrait déboucher sur une situation de travail forcé. »

Purcell explique que les agents de l’armateur, les sociétés de recrutement japonaises World Marine Company et WSS Shipping, ont tenté d’empêcher les inspecteurs syndicaux de monter à bord pour contrôler les conditions de vie des membres d’équipage et les aider à sortir de cette situation.

« La société a tenté de nous bloquer l’accès à bord car nous cherchions à l’empêcher de garder ces marins contre leur gré » a-t-il indiqué.

Purcell explique que les agents de l’armateur ont tenté de prétexter le Covid-19 pour lui interdire de monter à bord, alors que ce même jour, l’État de Victoria n’avait enregistré que deux nouveaux cas sur une population de près de cinq millions d’habitants.

« Il est évident que la société ne voulait pas que nous prenions conscience de l’ampleur de la duperie et de son intention de continuer à contraindre ces marins vulnérables au travail forcé mois après mois. »

Heureusement, les contrats de l’ITF qui couvrent le navire donnent le droit à Purcell de monter à bord et d’évaluer la situation en personne.

« Après l’immobilisation du navire par l’Autorité australienne de sécurité maritime à notre demande, cinq marins seront rapatriés de Melbourne aux Philippines, dont le capitaine et plusieurs mécaniciens. Le navire n’est pas autorisé à quitter le port tant que la société n’aura pas organisé le rapatriement et la relève de ces gens de mer épuisés », a indiqué Purcell.

Purcell explique que le flux tendu qui caractérise l’importation de nouveaux véhicules ferait perdre à la société maritime plus de 100 000 USD par jour d’immobilisation à Melbourne. Il était prévu que le MV Metis Leader quitte le port de Melbourne à 15h00 AEST le mercredi, précise Purcell. Jeudi soir, le navire était immobilisé à Melbourne, à grands frais pour l’entreprise.

« Nous pensons que l’armateur japonais, NYK, espérait passer sous le radar à Melbourne et mettre le cap sur Jakarta en promettant une énième fois aux membres d’équipage qu’ils seraient rapatriés dès leur arrivée dans le port suivant. »

Purcell explique que la société avait déjà fait croire à l’équipage par le passé que des rapatriements seraient organisés après tous ces mois à bord, quand le Metis Leader faisait escale dans plusieurs pays autorisant la relève des équipages. Le Metis Leader a par exemple jeté l’ancre « cinq ou six fois » à Singapour, a-t-il précisé.

Le Coordinateur de l’ITF en Australie, Dean Summers, indique que l’affaire du MV Metis Leader est un véritable « rappel à l’ordre » pour la communauté maritime internationale alors que la crise de la relève des équipages entre dans son huitième mois.

« La leçon d’aujourd’hui est très claire : si vos marins ont terminé leur contrat – si certains des membres de votre équipage ont effectué la durée indiquée dans leur contrat et ne souhaitent plus continuer à travailler à bord ou ne s’en sentent plus la force – l’ITF, nos affiliés et les autorités australiennes immobilisera votre navire jusqu’à ce qu’il soit remédié à la situation, quoi qu’il vous en coûte à vous ou à l’armateur. »

Et de poursuivre : « Les relèves d’équipages sont autorisées dans divers ports, partout dans le monde. Cela fait maintenant huit mois que nous vivons avec le Covid-19, et il n’y a donc aucune excuse pour retarder ou reporter les relèves d’équipages. Le rapatriement des équipages et leur remplacement par des équipes reposées, est la responsabilité des employeurs et armateurs – et nous veillerons à ce que celle-ci soit honorée pour chaque marin. »

« Notre message aux armateurs, agences de recrutement, affréteurs et sociétés qui font transporter leurs marchandises par voie maritime, est le suivant : si vous ne faites pas le nécessaire pour relever les équipages, nous ferons immobiliser vos navires et libérer les marins épuisés du joug du travail forcé. »

« Faites en sorte que vos chaînes d’approvisionnement soient exemptes de toute exploitation à Noël, ou nous y veillerons », assure Summers.

 

Notes:

  • Jusqu’au 14 septembre, le Panama autorisait un armateur à demander l’examen d’une prolongation de 3 mois des contrats applicables aux navires battant son pavillon, s’ajoutant aux 11 mois prévus par la Convention du travail maritime (MLC)
  • Après cette date, les autorités panaméennes n’ont examiné et accordé de prolongation qu’à titre exceptionnel. Sans prolongation de contrat, l’équipage d’un navire battant pavillon panaméen ne peut dépasser les 11 mois autorisés par la MLC.
  • Même quand des prolongations sont accordées, celles-ci sont généralement conditionnées par le fait que les armateurs doivent pouvoir démontrer l’existence d’un plan de rapatriement pour les gens de mer. Cette prolongation devrait servir à rapatrier les marins et à les remplacer par des équipages reposés.

 

  • Depuis le 1er octobre, l’Australie limite la « durée maximale de service à bord des gens de mer durant la pandémie de COVID-19 » à une « période continue de 14 mois » pour les navires entrant dans ses eaux territoriales.
  • L’équipage philippin du Metis Leader a maintenant pu descendre à terre et rentrer au pays via l’aéroport Tullamarine de Melbourne.
  • Un skipper (capitaine) australien et un mécanicien ont été engagés par les agents de l’armateur pour la relève.
  • La société a donné l’instruction aux marins (aussi bien ceux sur le départ que ceux restant à bord) de ne pas parler à la presse.
  • La Chambre internationale de la marine marchande estime à plus de 400 000 le nombre de gens de mer pris au piège et devant continuer à travailler malgré l’expiration de leur contrat.

 

  • Cette immobilisation s’inscrit dans la continuité de plusieurs autres effectuées par l’Autorité australienne de sécurité maritime (ASMA) depuis le début de la crise de la relève des équipages, notamment celle du vraquier MV Unison Jasper qui transportait de l’alumine à Newcastle, NSW. Le navire a été à l’arrêt pendant plusieurs semaines en attendant l’arrivée de marins reposés pour remplacer l’équipage, sauvé après plus de 14 mois à bord.

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