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L’ITF se réjouit des nouveaux navires immatriculés à Liverpool, mais met en garde Atlantic Container Line au sujet des relèves d’équipage

Actualités 13 Aug 2020

Liverpool est le port d’attache de plusieurs navires qui ont adopté le pavillon du Royaume-Uni, ce qui suggère que l’État insulaire pourrait retrouver son rang de grand pays maritime. Mais les compagnies maritimes devront faire davantage pour maintenir la réputation du Royaume-Uni en pleine crise de relève des équipages, comme l’indique l’Inspecteur Tommy Molloy, de la Fédération internationale des ouvriers du transport.

En octobre 2016, le port de Liverpool a célébré l’immatriculation d’un nouveau navire appartenant à Atlantic Container Line (ACL) au registre britannique. C’était l’un de cinq navires à être immatriculés au port de Liverpool. La princesse Anne est venue au port pour baptiser l’Atlantic Sea, le navire le plus récent à ce moment-là. C’était la première fois en 50 ans qu’un membre de la famille royale britannique baptisait un navire au port. « Peu de navires arboraient le célèbre nom de la ville ces dernières années, et cela fait plaisir de le voir apparaître à nouveau à sa juste place », avait commenté le Directeur général d’ACL Ian Higby.

Mais Tommy Molloy insiste sur le fait qu’ACL doit intervenir dans la crise de relève des équipages actuelle pour rapatrier ses gens de mer, si la compagnie veut être à la hauteur des normes associées au pavillon britannique et maintenir la réputation de port de classe mondiale dont jouit Liverpool.

« Par le passé, la compagnie a joui d’une bonne réputation et les gens de mer étaient fiers d’y être employés. Mais il y a matière à préoccupation lorsque des membres d’équipage vous contactent de façon anonyme en vous suppliant de les aider à rentrer chez eux, auprès de leurs familles, tout en demeurant trop effrayés pour révéler leur identité. Les gens de mer embarqués sur les navires d’Atlantic craignent clairement de subir des conséquences s’ils refusent de continuer à travailler une fois leurs contrats arrivés à expiration », explique Molloy.

Aux termes de la Convention du travail maritime, un marin a le droit d’arrêter de travailler et d’être rapatrié aux frais de l’employeur une fois son contrat arrivé à expiration. La durée maximale de la période d’embarquement d’un marin est de 11 mois.

Mais l’exercice de ce droit est devenu difficile, voire impossible, pour les 300 000 marins à travers le monde qui, selon les estimations de l’ITF, sont piégés à bord de navires et doivent continuer d’y travailler. Quelque 300 000 autres marins sont au chômage, attendant désespérément de relever les équipages qui demeurent à bord des navires. Les causes principales de la « crise de relève des équipages » sont les suivantes : fermeture des frontières par les États du port, les pays de transit et les pays d’origine des marins, ainsi qu’un manque de vols disponibles.

Selon Molloy, beaucoup de gens de mer dans l’ensemble du secteur refusent de parler par crainte de ne pas être réembauchés et considèrent qu’ils n’ont pas d’autre choix que de signer des prolongations successives de leurs contrats originaux, même si cela est contraire à la législation nationale et internationale.

Souvent, l’ITF doit intervenir pour veiller au respect des droits des gens de mer. Dans le cas d’Atlantic Container Line, Molloy a dû démêler un réseau d’entités propriétaires et contractantes afin d’aider les membres d’équipage principalement philippins à faire valoir leur droit de quitter le navire.

« Les propriétaires du navire sont recensés comme étant basés aux États-Unis, les propriétaires inscrits sont en Suède, la société mère est en Italie, et les gestionnaires sont à Monaco. J’ai contacté plusieurs d’entre eux le 6 juillet pour leur demander s’ils remplaceraient les membres d’équipage dont les contrats étaient arrivés à expiration à l’arrivée du navire à Liverpool, son port d’attache », indique Molloy.

Dans un e-mail, Molloy a informé la compagnie que le Royaume-Uni considérait les gens de mer comme des personnels prioritaires et qu’aucun obstacle n’empêchait les membres d’équipage de débarquer à Liverpool. La compagnie a fait état de difficultés d’organisation des vols vers et depuis les Philippines.

« La compagnie m’a dit avoir essayé sans succès de trouver des vols depuis le Royaume-Uni vers Manille. J’ai trouvé des informations sur des vols disponibles, bien que chers, au départ de Manchester et de Londres, informations que je lui ai fait parvenir. J’ai précisé qu’elle disposait de nombreuses options pour remplacer ces marins – il y a en effet 300 000 gens de mer dans le monde en attente de contrats », souligne Molloy.

« La compagnie m’a dit que cela ne serait pas possible du fait de problèmes de familiarisation avec les opérations et avec le navire, qui entraîneraient eux-mêmes des problèmes de sécurité. Je lui ai rappelé que le secteur vociférait collectivement contre les gouvernements peu coopératifs pour avoir autorisé la situation dangereuse des membres d’équipage embarqués à perdurer bien après l’expiration de leurs contrats. Certains de ces marins ne sont pas descendus à terre depuis un an – comment la sécurité pourrait-elle régner à bord dans ces conditions ? »

Grâce aux efforts de l’ITF, cinq membres d’équipage ont débarqué à Liverpool le 19 juillet et ont été relevés par des gens de mer bulgares.

Molloy explique que les Philippins qui ont débarqué ont séjourné à l’hôtel quelques jours avant de prendre l’avion pour être réunis avec leurs familles, qui leur manquaient depuis des mois.

Mais malheureusement, tous les membres d’équipage n’avaient pas l’assurance suffisante pour risquer de s’exposer à la colère de leurs employeurs en demandant à être rapatriés. Molloy révèle que le navire d’ACL est parti de Liverpool à destination du Canada avec un certain nombre de membres d’équipage philippins qui sont à bord depuis presque 15 mois, soit beaucoup plus longtemps que ne le prévoyait leur contrat original de neuf mois.

« Ils avaient contacté le siège de l’ITF à Londres, et nos inspecteurs en Allemagne, à Anvers et à Liverpool, et nous avaient suppliés de les aider à débarquer. Mais ils l’ont fait de façon anonyme, sans révéler leur identité. Malheureusement, pour que nous puissions intervenir, les gens de mer doivent demander ouvertement leur rapatriement, et donc décliner leur identité. C’est indispensable pour que nous puissions les aider à débarquer dans des ports comme Liverpool et faire en sorte qu’ils rentrent chez eux », explique Molloy.

« Le fait que ces marins avaient trop peur d’exprimer ouvertement leur volonté d’arrêter de travailler et de demander leur rapatriement préoccupe grandement l’ITF. Nous craignons également que certaines compagnies utilisent les difficultés logistiques posées par la crise actuelle comme prétexte pour ne pas procéder à la relève des équipages. »

« Nous sommes conscients que les vols coûtent cher en ce moment, et c’est pourquoi nous préconisons d’en augmenter la disponibilité avec l’aide des gouvernements. Mais la cherté des vols n’est pas une raison pour différer les rapatriements dans l’espoir que les prix finissent par baisser. Aux termes de la Convention du travail maritime, il incombe aux employeurs d’assurer aux gens de mer la possibilité de rentrer chez eux à l’expiration de leurs contrats – et les employeurs gagnent toujours de l’argent durant cette pandémie. Continuer à temporiser serait un camouflet pour les gens de mer après la loyauté et la patience dont ils ont fait preuve tout au long de cette crise. »

« Le fait d’être piégés à bord de ces navires et de devoir continuer d’y travailler a des répercussions sur la santé mentale et physique des gens de mer dont nous sommes bien conscients. Il est inadmissible qu’ils soient séparés de leurs familles – souvent sans moyens de communication à leur disposition – sur des périodes beaucoup plus longues que ce qu’ils avaient accepté au départ. Cette situation n’est pas viable. Je crains que le suicide ne soit à présent la principale cause de décès chez les gens de mer. Les employeurs doivent mobiliser tous les moyens à leur disposition pour assurer le rapatriement et la relève de leurs équipages, avant qu’il ne soit trop tard », déclare Molloy.

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