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Situation délicate pour Aswan, placée sur liste noire et dont la moitié de la flotte est hors service à la suite de l’immobilisation de deux navires en Australie

Actualités Communiqué de presse 29 Mar 2021

Les autorités australiennes ont immobilisé deux navires de la compagnie maritime qatarie controversée, Aswan Trading and Contracting, en raison de graves infractions aux droits des travailleurs quelques semaines à peine après que l’équipage d’un autre navire de la société a décidé d’entamer une grève de la faim au large des côtes du Koweït.

Ces trois navires immobilisés, c’est désormais la moitié de la flotte de la compagnie maritime qui est hors service. Des instances de réglementation maritime ont placé Aswan sur liste noire en 2017 et son président est toujours recherché par les forces de l’ordre du Qatar.

 

Aswan abandonne l’équipage du Maryam sans électricité ni carburant à Port Kembla

Dans un premier temps, l’Autorité australienne de la sécurité maritime (AMSA) a immobilisé le MV Maryam (OMI 9272864) le 19 février à Port Kembla, en Nouvelles-Galles du Sud, pour 36 manquements en matière de sécurité et de bien-être de l’équipage. Ensuite, les inspecteurs de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), qui sont montés à bord du charbonnier le matin du 5 mars, ils ont trouvé des motifs supplémentaires d’empêcher le navire de quitter les eaux australiennes.

Après s’être entretenus avec le capitaine et l’équipage du navire, les inspecteurs ont en effet découvert que, à plusieurs reprises ces derniers temps, son propriétaire, la société Aswan Trading and Contracting, n’avait pas honoré d’importants contrats avec certains fournisseurs. Le navire, alors à court de carburant pour ses moteurs, n’avait plus ni électricité ni éclairage. Pendant ces périodes de 3 ou 4 jours, les réfrigérateurs n’étant plus alimentés, des vivres ont dû être jetés. L’absence d’éclairage, de climatisation et d’électricité pour recharger les téléphones mobiles et les appareils de communication, et le manque de carburant et d’alimentation électrique ont fortement nui au bien-être et à la santé psychologique de l’équipage. Les 23 gens de mer ne pouvaient même pas se doucher ni tirer les chasses d’eau des toilettes du navire et étaient obligés de s’approvisionner en eau de mer avec des seaux.

L’AMSA a découvert de multiples problèmes liés aux générateurs principaux du vraquier construit en 2004, obligeant l’équipage à utiliser le générateur d’urgence du navire, lui-même à court de carburant et présentant des problèmes de filtres. Il a donc fallu trouver un générateur à terre et le hisser sur le pont pour alimenter le navire en électricité.

Pour aggraver encore la situation, les inspecteurs ont appris que le Maryam allait une fois de plus tomber en panne sèche le soir même, à 21 heures. Une aide urgente était nécessaire.

L’ITF a alors contacté l’AMSA et le chef des opérations des autorités portuaires de Nouvelles-Galles du Sud à Port Kembla pour leur faire part de la situation délicate dans laquelle se trouvait l’équipage du navire. À la demande pressante de l’ITF, un réservoir de carburant vide est arrivé à 14 heures et après quelques appels téléphoniques supplémentaires, les autorités portuaires ont livré un réservoir plein à 19 heures 30. Ce second réservoir plein est arrivé quelques minutes à peine avant que l’équipage, désespéré et convaincu que les autorités ne les aideraient pas, éteigne le générateur. Un réservoir supplémentaire est arrivé à 4 heures du matin le 6 mars.

Si la question du carburant était momentanément résolue, une série d’autres problèmes à bord du vraquier continuaient d’inquiéter l’ITF et les membres de l’équipage.

Le 6 mars, sur l’insistance de l’ITF et alors que l’équipage ne disposait plus que de quelques jours de réserve dans les cales du navire, les autorités portuaires de Nouvelles-Galles du Sud de Port Kembla ont déposé des vivres à l’équipage, dont 1000 litres d’eau en bouteille, pour une valeur de 3 000 dollars australiens (AUD). Plusieurs jours de repas étaient ainsi assurés aux gens de mer pour les aider à se remettre de semaines de malnutrition.

De plus, aussi incroyable que cela puisse paraître, l’équipage n’avait même pas été payé correctement avant cette épreuve infernale dans le port australien. Les salaires qu’Aswan versait aux gens de mer sont bien en dessous des salaires minimums établis par l’Organisation internationale du travail (OIT) et aucun des 23 marins composant l’équipage n’avait reçu les primes qui leur étaient dues. D’après les premiers calculs de l’ITF, la facture des salaires impayés, incluant les primes non versées et les salaires inférieurs aux seuils établis par l’OIT, s’élèverait à 27 978,50 dollars US.

Habituellement, certains membres de l’équipage disposent d’une petite part de leur salaire en espèces pour acheter des articles personnels dans les différents ports, par l’intermédiaire d’agents, comme la Mission to Seafarers, ou directement lorsqu’ils peuvent descendre à terre. Avant d’accoster à Port Kembla, cela faisait 14 jours que l’équipage était en mer et ses membres ont été autorisés à descendre à terre dans le respect des protocoles liés au Covid-19. Le 17 mars, à la suite des pressions de l’ITF, environ 5 000 USD ont été remis au capitaine du navire. Il a réparti la somme entre les membres de l’équipage qui ont alors pu prendre des dispositions pour acheter de petits articles personnels.

L’ITF a découvert que les contrats d’engagement de neuf des 23 marins à bord avaient expiré le 11 mars. Plusieurs membres de l’équipage étaient à bord depuis six mois, d’autres depuis trois mois. Il est contraire à la convention du travail maritime (MLC) qu’un armateur fasse travailler des gens de mer à bord de ses navires alors que leur contrat a expiré.

Avant que le Maryam ne soit autorisé à quitter Port Kembla (et recommence à rapporter de l’argent à l’armateur placé sur liste noire), l’AMSA a établi une liste de « manquements » qu’Aswan doit corriger. En tête des priorités figure le rapatriement des neuf marins dont les contrats ne sont plus valables et qui souhaitent rentrer chez eux, en Turquie, en Inde et en Géorgie. En application de la MLC, les employeurs sont tenus de couvrir les coûts des vols de retour des gens de mer et autres frais liés à leur rapatriement. En pleine pandémie de Covid-19, cela implique également de payer les coûts de la quarantaine et de dépistage.

L’ITF croit savoir que la semaine dernière, Aswan a pris des dispositions pour obtenir des pièces permettant de réparer les générateurs. Mercredi, des experts d’une société de classification ont inspecté le navire ; des frais d’inspection devraient être réclamés à Aswan pour leurs services.

 

Un deuxième navire d’Aswan immobilisé dans un port du Queensland

Le Maryam est le deuxième navire d’Aswan que l’AMSA immobilise ce mois. Le vraquier MV Movers 3 (OMI 9250244) battant pavillon panaméen a été immobilisé à Weipa il y a trois semaines.

Weipa est la plus grande ville située à l’ouest de la péninsule du Cape York, dans le Queensland, et sert de port pour la plus grande mine de bauxite de Rio Tinto en Australie, à environ 2 800 kilomètres de Brisbane, la capitale de l’État.

Selon des informations confirmées par les autorités australiennes, ces dernières semaines, le Movers 3 a été détenu, ensuite autorisé à reprendre la mer pour être à nouveau immobilisé.

Les problèmes de moteur du navire sont tels que les autorités l’empêchent d’accéder au port intérieur de Weipa et l’obligent à rester au mouillage dans son port extérieur.

Les problèmes de moteur du navire impliquent qu’il n’a plus aucun moyen de propulsion, pourtant nécessaire à la production de l’eau potable utilisée pour les douches, les toilettes et la vaisselle. En général, les navires comme le Movers 3 obtiennent cette eau en produisant de la vapeur d’eau douce à partir de l’eau de mer grâce à la chaleur de leurs puissants moteurs. Les réserves d’eau potable à bord devraient s’épuiser cette semaine et les autorités locales tentent d’obtenir qu’un tiers l’approvisionne en eau.

D’après les inspecteurs locaux qui travaillent sur ce cas, les ennuis de moteur sont le signe d’un manque flagrant d’entretien, laissant suggérer l’existence d’autres problèmes. Lundi, des experts de la société de classification sont montés à bord du navire pour examiner la situation.

Les congélateurs du navire sont tombés en panne et les gens de mer ont été obligés de jeter de la viande et d’autres aliments, une situation qui mine le bien-être de l’équipage. Même si le problème de réfrigération a finalement été résolu, il a fait peser une pression énorme sur le cuisinier du navire qui a démissionné et a demandé à être rapatrié en Turquie. Il a été débarqué du navire et évacué hier. Il a été placé en quarantaine à Cairns pendant 14 jours, dans les bâtiments prévus à cet effet par le gouvernement, et sera ensuite autorisé à rentrer chez lui.

Le reste des membres de l’équipage, composé de ressortissants turcs et jordaniens, sont à bord depuis trois à six mois. Tous redoutent qu’Aswan retienne les primes promises, sachant la compagnie maritime continue d’ignorer son équipage à bord de l’Ula, au Koweït et ne paie pas les factures de carburant à Port Kembla. L’ITF est toujours occupée à établir l’ampleur des possibles violations des droits des travailleurs de l’équipage du Movers 3 dont Aswan s’est rendue coupable.

La préoccupation la plus immédiate pour l’équipage est le manque d’eau potable et de nourriture. Rio Tinto aurait payé et fourni deux petits camions de vivres pour une valeur de 3 000 AUD. Pour les inspecteurs de l’ITF, le fait qu’un géant minier prenne en charge la fourniture de provisions d’urgence laisse présager qu’Aswan a de gros problèmes de trésorerie.

Rio Tinto exploite la mine de bauxite à proximité de Weipa et est le principal utilisateur du port. La société Comalco a bâti la ville minière dans les années 1960 après avoir fait pression et obtenu la révocation de la propriété autochtone et du statut de réserve en faveur d’une nouvelle industrie de la bauxite, le principal composant dans la fabrication de l’aluminium. Comalco est ensuite devenu Rio Tinto Aluminium.

Le vraquier MV Movers 3, construit en 2002, est arrivé au port de Weipa depuis le port de Liuheng, à proximité de Shanghai, en Chine. Il n’est pas clair de savoir si les navires d’Aswan ont été impliqués dans la guerre commerciale en cours qui touche des dizaines de navires chargés de marchandises australiennes, empêchés par les autorités chinoises de débarquer leurs cargaisons dans les ports du pays.

 

Un équipage d’Aswan, abandonné et ne recevant plus aucun salaire, en grève de la faim au Koweït

L’ITF et ses inspecteurs connaissent bien la société Aswan Trading and Contracting.

La compagnie maritime a fait les gros titres en janvier de cette année lorsque 19 gens de mer travaillant à bord de son vraquier MV Ula ont entamé une grève de la faim dans le port de Shuaiba, au Koweït. À l’époque, cela faisait 14 mois que les marins avaient été abandonnés ; cela fait désormais 17 mois qu’ils sont dans cette situation. Aswan doit aux gens de mer à bord du MV Ula plus de 410 000 USD en salaires impayés, en plus des frais de rapatriement.

L’ITF a apporté une aide juridique à l’équipage et un avocat a été désigné pour les aider. La Fédération a tenté de convaincre les autorités koweïtiennes d’intervenir en faveur des gens de mer, explique Mohamed Arrachedi, le Coordonnateur du Réseau de l’ITF pour le monde arabe et l’Iran.

« Mais, au final, l’équipage est toujours coincé sur le MV Ula, abandonné et sans aucun salaire, parce qu’Aswan Trading and Contracting néglige ses responsabilités. »

« La société a persécuté l’équipage du MV Ula et, alors qu’elle s’est fait prendre, il semble, d’après les cas du Maryam et du Movers 3, qu’elle continue de s’en prendre aux équipages de ses navires. À mon avis, les autorités australiennes ne devraient pas laisser filer ces navires avant d’être absolument sûres qu’Aswan peut, et veut, honorer toutes ses obligations envers ses gens de mer », a déclaré Mohamed Arrachedi.

 

Pour l’ITF, l’AMSA devrait interdire Aswan

Pour l’ITF, il faut que les autorités australiennes augmentent fortement la pression sur Aswan, une compagnie maritime qatarie au centre d’un nombre croissant de violations dans de plus en plus de juridictions.

« Il est bien connu que cette compagnie viole les réglementations, fuit toute responsabilité et ne respecte pas la MLC. L’AMSA a immobilisé deux de ses navires en Australie et la société a abandonné un troisième navire et son équipage au Koweït », explique Ian Bray, le Coordinateur de l’ITF pour l’Australie.

Pour Ian Bray, la Fédération veut que la société verse les salaires et les primes dus, et honore ses obligations contractuelles à l’égard de ses deux équipages, y compris en rapatriant les gens de mer à bord dont les contrats ont expiré.

« Nous souhaitons que l’AMSA fasse appliquer les lois australiennes, ainsi que la MLC que le pays a ratifiée. Des compagnies comme Aswan devraient craindre les conséquences de toute violation de nos lois et des droits des gens de mer. »

« Aswan a maltraité et exploité des gens de mer, et les a abandonnés partout dans le monde. Des instances de réglementation maritime l’ont placée sur liste noire et l’un de ses dirigeants est recherché par les forces de l’ordre qataries ; je ne sais pas ce qu’il faut de plus pour interdire cette compagnie maritime », a encore déclaré Ian Bray.

FIN

Remarque :

  • Ian Bray est disponible pour des entrevues sur demande.

À propos de l’ITF : La Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF) est une fédération syndicale démocratique dirigée par ses affiliés, reconnue comme l’autorité mondiale en matière de transports. Nous nous battons passionnément pour améliorer le quotidien des travailleuses et travailleurs, unissant les syndicats de 147 pays pour obtenir des droits, l’égalité et la justice pour leurs membres. Nous sommes la voix de près de 20 millions de travailleuses et travailleurs des transports du monde entier.

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